L’autel du sanctuaire fédéral

auteldelyonauguste_cngDans sa « Géographie » (IV,3,2), Strabon évoque ce sanctuaire gallo-romain, unique par son rôle et par sa taille : « Le sanctuaire dédié en commun par tous les Gaulois à César Auguste est bâti en face de la ville, au confluent des deux fleuves ; il y a un autel remarquable, portant l’inscription des peuples, au nombre de soixante, les statues de chacun d’eux, ainsi qu’un grand bois sacré. »

 

Historique

En 12 av .JC, Drusus, beau fils d’Auguste, élève un autel monumental sur les pentes de la Croix-Rousse, en présence des notables des Trois Gaules, pour célébrer le culte de Rome et de l’empereur Auguste. Cette partie de la presqu’île, qui a pour toponyme « Condate« , se situe en territoire ségusiave et ne fait donc pas partie juridiquement de la cité de Lugdunum.

Ce culte à l’empereur de la part de ces notables peut être assimilé comme une démonstration politique manifestant la solidarité des Trois Gaules envers le régime central.

Les cérémonies étaient présidées par un prêtre élu chaque année par l’ensemble des délégués des cités des Trois Gaules. La prêtrise du Confluent constituait donc la plus haute charge administrative à laquelle les notables des soixante cités gallo-romaines pouvaient accéder en Gaule. La cérémonie principale consistait en un rassemblement annuel de tous les délégués au début du mois d’août.

Localisation

La localisation précise de cet édifice monumental n’est pas clairement établie, faute de découvertes d’indices probants, notamment la découverte d’éléments suffisamment représentatifs des substructions des bâtiments. Il semble toutefois acquis que le sanctuaire serait dans le secteur des pentes ou au début du plateau de la Croix-Rousse.

Un première hypothèse des archéologues localisait l’autel sur une grande terrasse, longue de 300 m, au niveau de l’actuelle rue des Tables Claudiennes. L’accès à l’autel, situé au centre de cette terrasse, se faisait probablement par une double rampe. S’il ne reste rien de ses vestiges – l’édifice ayant servi de carrière au moyen-age, comme de nombreux monuments antiques – le souvenir de la topographie se lirait encore rue Burdeau, dont le tracé est caractérisé par une double pente, vestige de la double rampe d’origine.

Depuis 2011, une deuxième hypothèse localise l’autel au sommet de la colline de la Croix Rousse, entre le débouché supérieur de la Montée Saint-Sébastien et de la Montée des Carmélites.

Architecture

autel-lyonL’importance du sanctuaire est démontrée par sa présence sur le revers de certaines monnaies frappées à Lyon, qui donnent une idée assez précise de sa configuration probable. Celles-ci représentent un monument central, orné à sa base d’une couronne, entourée de tiges végétales (laurier ?).

Sur le monument central constituant l’autel, se tenaient les soixante statues représentant les cités gauloises. A la base de l’autel, l’inscription ROM-ET-AUG (« Romae et Augusto » : A Rome et Auguste), rappelait la dédicace de l’édifice et son rôle religieux. Le monument était entouré de deux colonnes sur lesquelles reposaient deux Victoires brandissant une couronne.

Ces deux colonnes auraient été sciées en deux au moyen-age et employées pour soutenir la croisée de l’église romane Saint-Martin d’Ainay. La hauteur originelle de ces colonnes serait donc de 14 m.

Le Conseil des Trois Gaules

La réunion des délégués des Trois Gaules avait non seulement un rôle religieux mais également un rôle politique : il existait une institution originale dont la dénomination peut être traduite en « Conseil des Trois Gaules » qui possédait son administration et ses fonds propres. Cette entité administrative et politique peut être considérée comme une représentation des intérêts gaulois auprès de Rome, en quelque sorte la première assemblée parlementaire française !

Ces activités semblent prendre fin entre 250 et 300 ap. JC.

La Table Claudienne

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Table Claudienne – détail.

Une partie d’un discours historique magnifiquement gravé sur bronze et retrouvé en 1528 évoque une probable sollicitation du Conseil des Trois Gaules auprès du pouvoir romain. Il s’agit de la retranscription du discours que l’empereur Claude fit au Sénat en 48 ap. J-C. afin que les notables de la Gaule Chevelue aient les droits romains politiques complets, et par conséquent le droit d’entrer au Sénat. Une réponse positive – partielle – fut donnée aux Eduens, et par la suite élargie aux autres peuples de la Gaule chevelue. La copie de ce discours, témoin de l’avancée en faveur des notables provinciaux, fut conservé dans le sanctuaire fédéral. Il peut désormais être observé au Musée de la civilisation gallo-romaine de Lyon.

Tacite, dans ses Annales (XI, 23-24), retranscrit ce discours, et explique que les Eduens obtinrent les premiers le droit de siéger au sénat de Rome. Cette faveur étant accordée à l’ancienneté de leur alliance et au fait que, seuls parmi les gaulois, ils portaient le titre de frères du peuple romain.

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5 réflexions sur « L’autel du sanctuaire fédéral »

    1. admin Auteur de l’article

      A ma connaissance, l’archéologie n’a pas encore démontré un quelconque lien. La localisation exacte du sanctuaire fait encore débat, ainsi que la fonction possible des arêtes de poisson !

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  1. Francois Marechal

    Merci. J’en faisais l’hypothèse car j’ai entendu dire qu’une datation au carbone14 de morceaux de charbon prélevés entre les pierres prouverait qu’il s’agit d’une construction datant du 1er siècle.

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  2. admin Auteur de l’article

    En effet, les recherches à ce sujet ont bien avancé des dernières années… Parmi les nombreux articles, voici une petite sélection :

    https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/histoire-de-lyon-24-les-aretes-de-poisson-un-mystere-sous-la-croix-rousse-0

    https://www.celineguarneri.fr/img/DossierArcheologieNo506janvier20130001.pdf

    https://journals.openedition.org/rae/pdf/8902

    et surtout :

    http://www.academia.edu/33676940/D._Fellague_Les_souterrains_antiques_de_la_Croix-Rousse_%C3%A0_Lyon._De_la_qu%C3%AAte_%C3%A9sot%C3%A9rique_%C3%A0_l_enqu%C3%AAte_arch%C3%A9ologique_Arch%C3%A9ologia_n_556_juillet-ao%C3%BBt_2017

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